Cinéma Eden 3, 90 rue Andrée et Marcel Braud , 44150 Ancenis-Saint-Géréon
Cinéma géré par l’association Louis Lumière et réalisé par la Communauté de communes du Pays d’Ancenis
Le Cinéma Eden 3 est une salle classée Art & essai labellisée Jeune Public / Patrimoine et Répertoire / Recherche et Découverte par le CNC

L'histoire du Cinéma Eden

2 Articles tirés de "Histoire et Patrimoine au Pays d'Ancenis" revue n°5 de l'ARRA 12/90.

LES ORIGINES DU CINÉMA A ANCENIS ET L'HISTOIRE DE L'EDEN DE 1910 A 1945 
Génica CUISNIER
et 
DE L’OUVERTURE D’UN DEUXIÈME CINÉMA A ANCENIS (1937) A AUJOURD’HUI
Denis PIHOUE 

LES ORIGINES DU CINÉMA A ANCENIS ET L'HISTOIRE DE L'EDEN DE 1910 A 1945 
Génica CUISNIER

Les origines du cinéma à Ancenis. (Souvenirs de ma mère)

De toutes les rues, les Anceniens se dirigent vers la place de l'église, nommée place Saint-Pierre. Dans les nombreux cafés et commerces de l'époque, il n'est question que de cela. L'événement est de taille, historique pour la mémoire visuelle, pour la pensée, pour la philosophie du 20è siècle débutant.

Même si la population n'a pas pleinement conscience de la chose, elle sent instinctivement que rien ne sera plus désormais comme avant. Cet événement d'importance et de curiosité est : la première séance de Cinémathographe dans notre petite cité.

Nous sommes en 1910. Des forains ont dressé leur modeste chapiteau sur cette place Saint-Pierre, eux qui parcourent la France entière s'arrêtant dans les villes de l'importance des sous-préfectures. Au programme figuraient un documentaire, "l'arrivée d'un train en gare", film de Louis Lumière, réalisé en 1895, et un film comique ayant pour titre "La course aux belles-mères". Le documentaire impressionne fortement les spectateurs qui voient foncer sur eux ce monstre d'acier.

La pellicule n'étant pas à cette époque de grande qualité, des rayures, des points se reproduisaient amplifiés sur l'écran, et les braves gens ignorant la technique de la projection, pensaient que ces imperfections étaient des étincelles, si bien que le bruit courut à Ancenis, comme ailleurs, que d'aller à de tels spectacles représentait un réel danger. Entre 1914 et 1918, des séances furent données sous les halles (environ une par mois).

L'ouverture du premier cinéma Eden.

En 1920, mon père Raoul Cuisnier, homme de spectacle, ami du grand-père d'Annie Fratellini, vint s'installer à Ancenis et ouvrit au fond de l'impasse Emilien Maillard le premier Cinéma EDEN. C'était dans une remise atelier, propriété d'un peintre qui avait son magasin rue Aristide Briand (1). La cabine de projection accolée à la salle était peinte de couleur verte et se trouvait sur une charmante petite place (2). La façade du cinéma était recouverte de treillages, surmontée à droite et à gauche d'affiches collées et découpées qui représentaient deux Martiniquaises émergeant de deux noix de coco. Cette réclame pour la Maison Amieux permettait aux propriétaires du cinéma de recevoir une caisse de chocolat une fois l'an. Au milieu de la façade, une porte à deux vantaux, dont les vitres étaient recouvertes de papier translucide imitant des vitraux, faisait office de sortie.

Dans la salle toute en longueur, une banquette couverte de reps rouge séparait les places de première et de seconde classe. Dans le fond de la salle, à droite et à gauche des trous de projection, deux grandes affiches de la Maison Yardley représentaient une jeune femme portant à son bras un panier garni de lavande. La scène tenait encore du théâtre avec des coulisses. De chaque côté de l'écran, on retrouvait les mémes treillages que sur la façade où s'entrelaçaient des branches de rosiers (ce décor avait été réalisé par mon père).

L'ouverture du cinéma EDEN eut lieu le 20 Mars 1920. Il n'y avait qu'un seul appareil manuel de projection, si bien que les images s'interrompaient le temps de changer la bobine. Ce cinéma était une entreprise familiale : mon père était à la cabine, ma mère à la caisse. Mon frère, qui était ouvreur, une fois la salle dans l'obscurité, devait se diriger discrètement vers les coulisses où un phonographe à grand pavillon l'attendait. Mon père avait visionné la pellicule avant la séance et avait choisi un disque approprié à la séquence du film. Mon frère avait donc la mission de placer le disque sur le phonographe ; parfois, pris par l'action qui se déroulait sous ses yeux, il oubliait.

Alors un rapide coup de lumière le rappelait à l'ordre dans l'instant, et il était hon pour une réprimande en fin de séance. Ensuite le phonographe fut remplacé par un pianola. C'était un instrument dont on pouvait se servir de deux façons, soit en l'utilisant comme un piano normal, soit en introduisant dans l'appareil un rouleau de papier perforé et, par un système de ventilation (comme pour l'orgue de Barbarie une mélodie était censée charmer les spectateurs. Ma mère remplaça donc mon frère pour la partie musicale. Les clients disaient : "C'est drôle, Madame Cuisnier est au piano et on n'a pas l'impression qu'elle joue ! ".

En fait, ma mère n'ayant aucune connaissance musicale, utilisait l'instrument de la façon la plus simple avec les rouleaux perforés. Les clients étaient pour la plupart des commerçants et des artisans. Ils avaient leurs places attitrées, arrivaient avant la séance et commentaient les derniers potins d'Ancenis.

Les films étaient muets à cette époque (3). Les programmes en général comportaient un documentaire, les actualités, un film comique, un film à épisodes puis, avant le grand film, venait l'entracte. Comme les interruptions étaient nomhreuses du fait des changements de bohines, ma mère indiquait à haute voix : "Un quart d'heure d'entracte ". Les spectateurs se réfugiaient alors au café de la Paix qui avait une entrée également sur la petite place Saint-Jacques à quelques mètres de la cabine de projection. Une fois les quinze à vingt minutes passées, ma mère prenait une clochette, entrait au café et agitait la dite clochette indiquant par cela même la reprise de la séance. Alors, les clients, en revenant vers la salle, saluaient au passage mon père dans la cabine, très flattés de dire bonsoir au Monsieur qui faisait le cinéma.

Mon père avait projeté le film : "La maison de la haine", film d'épouvante en plusieurs épisodes. A une séance, une brave marchande de poissons de la rue du Château (lieu haut en couleur à cette époque) voyant un fantôme surgir de l'écran, s'écria dans un grand silence "L'enfant d'garce qui m'à t'y fait peur" ce qui eut pour résultat de mettre la salle en joie. Lors d'une autre séance, le scénario racontait l'histoire d'un marchand de bois faisant de mauvaises affaires, et, au moment où l'huissier lui notifiait la faillite, la grande banquette de bois qui séparait la salle en deux s'effondra, les pieds de ce siège antique étant vermoulus. Parfois des attractions venaient en supplément au moment de l'entracte. C'était souvent des chanteurs et chanteuses qui imitaient Ouvrard, Maillol, Paulin ou Yvette Guilbert. Je me souviens de trois jeunes femmes habillées en petits cochons interprétant la chanson extraite du dessin animé de Walt Disney. Tout cela était à la fois désuet, naïf, quelquefois grotesque, et ces personnages, pour la plupart, pourraient figurer de nos jours dans un film de Federico Fellini ; excepté un illusioniste de génie que mon père avait connu chez les Fratellini, Monsieur Carington, qui exécutait des numéros tellement impressionnants que certains furent interdits (4).

L'annonce des séances se faisait par voie de presse avec le journal d'Ancenis, et par affiches moyennant un droit d'affichage sous forme de timbre fiscal qui devait être collé sur l'affiche, daté et signé. Ma mère avait trouvé l'astuce de mettre toujours les timbres au même endroit sur l'affiche, ce qui permettait au bout d'un certain temps de couper les affiches qui se superposaient et de récupérer les timbres qui étaient à nouveau utilisés. Le cinéma EDEN devint parlant en 1932.

Dans le milieu bourgeois et catholique de l'époque, le cinéma n'avait pas bonne réputation, et les jeunes gens de Saint-Joseph et de l'école du Château avaient l'interdiction de fréquenter un tel établissement. Mon père avait eu l'imprudence de passer "Le Lac aux Dames "d'après le roman de Viki Baum, film où l'on voyait Jean-Pierre Aumont se mettre à l'eau et nager vers une petite île où l'attendait Simone Simon revêtue d'une simple combinaison. Scandale !!! Le curé de l'époque décréta en chaire, le dimanche suivant, que le Cinéma EDEN était l'école du crime. Mon père en devint fou de rage et il fallut toute la diplomatie de ma mère pour l'empêcher d'aller faire à ce prêtre des reproches violents. De grands films furent présentés dans ce cinéma : Ben Hur, Les Misérables avec Harry Baur etc... Pour un bon film (qui passait parfois avec deux ans de retard sur les grandes villes) il fallait programmer plusieurs navets de séries américaines, souvent de la firme Paramount. Mon père décéda et ma mère, tant bien que mal, continua l'entreprise avec des opérateurs venant de l'extérieur.

Ce cinéma EDEN ferma en 1938. En 1937, ANCENIS-CINÉMA ouvrit ses portes rue Emilien Maillard. En 1942, Monsieur Berryer, père de Sim, reprit le Cinéma EDEN. C'était un homme de métier, ancien opérateur du Cinéma Majestic de Nantes. L'intérieur et l'extérieur de la salle furent transformés, la cabine détruite et reconstruite en dur. Toute la famille Berryer travaillait dans l'entreprise : le grand-père de Sim au contrôle, Madame Berryer à la caisse, Monsieur Berryer et Sim comme opérateurs, Jacqueline, soeur de Sim, comme ouvreuse avec Monsieur Perroin et ma mère.
Les appareils de projection étaient de vieux coucous de seize millimètres dotés d'une lampe à incandescence qui se déplaçait sur une glissière. A chaque changement de bobine, il fallait tirer dessus comme un fou pour passer la lumière sur l'autre projecteur. Le dispositif se coinçait souvent, et il n'était pas rare que l'appareil dégringolât par terre en plein milieu du film. Le grand-père de Sim montait alors sur la scène faire des excuses aux spectateurs. 

Le cinéma Eden en 1943
(de gauche à droite : Jacqueline Berryer (soeur de SIM), Maurice Perrouin, M, Berryer (père de SIM), Génica Cuisnier, Madame Cuisnier, Madame Berryer, SIM)
(Photo prise par Sim grâce à son appareil muni d'un retardateur)

Les films étaient censurés, certains de propagande imposée comme "Le Juif Süss"; d'autres, malheureusement trop rares, présentaient des divertissements de bonne qualité, tels que "Les Visiteurs du soir ".
Au début de la réouverture du Cinéma, avec le Commandant Seyppel très francophile, il n'y eut pas de problèmes, mais après le départ de cet officier, la pression se fit plus forte. Les commentaires anti-allemands des spectateurs fusaient dans la salle pendant les actualités si bien que Monsieur Berryer fut convoqué à la Kommandantur, et reçut l'ordre de passer les actualités avec un soldat dans la cabine, la salle éclairée. Monsieur Berryer s'adressa aux Anceniens pour leur expliquer ce changement. Tâche difficile, car, voulant éviter à la fois de passer pour un collaborateur, et de multiplier les problèmes avec la Kommandentur, la marge de main d'oeuvre se révélait étroite pour lui. Intelligemment, il fit son exposé et tout le monde comprit le délicat de la situation. Le jour de la libération d'Ancenis, (5 Août) je passai place de la Poste où, au n°48 (actuellement Studio Central) se trouvait une maison de propagande pro-nazie. Des résistants de la dernière heure, après avoir brisé les vitres, sortaient le contenu du magasin pour y mettre le feu. Parmi les livres, prospectus, ..., je remarquai des bohines de films. Petit jeune homme, j'eus un mal fou à convaincre les gens de ne pas détruire ces films. L'un était : "Les Révoltés du Bounty", l'autre "Le Masque d'or". Ils furent transportés chez moi dans l'attente du retour de la famille Berryer, réfugiés avec ma mère à Mésanger. Ces films passèrent à l'EDEN au profit des F.F.I. En 1946 la famille Berryer arrêta ses activités.

NOTES : (1) Au n° 67, actuellement Café de la Paix, façade 1900 dans le style de Guimard, unique dans l'ouest et miraculeusement conservée de nos jours.
(2) Place Saint-Jacques avec, à cette époque, une très belle maison Renaissance qui avait conservé ses fenêtres à meneaux et à chapiteaux. Il y avait également une maison d'époque Empire. Cet ensemble architectural non protégé fut détruit dans les années 1946.
(3) Le premier film parlant fut "Le Chanteur de Jazz". La première eut lieu le 23 octobre 1927. Ce film, avec Al Jonhson comme principal acteur, marqua l'entrée du cinéma dans un nouvel âge de son histoire.
(4) Ce prestidigitateur, enfermait une jeune femme dans un cercueil, mettait le feu au coffre, et le spectre de la jeune personne apparaissait au fond de la salle.

DE L’OUVERTURE D’UN DEUXIÈME CINÉMA A ANCENIS (1937) A AUJOURD’HUI
Denis PIHOUE

(Article tiré de "Histoire et Patrimoine au Pays d'Ancenis" revue n°5 de l'ARRA 12/90.)

Ouverture d’un deuxième cinéma a Ancenis le 16 décembre 1937 Création d’Ancenis-Cinéma

A un moment où le cinéma EDEN traverse une période difficile, un deuxième cinéma ouvre ses portes et cela, à l’initiative de l’abbé Gerbaud, curé à Ancenis. A l’affiche de la première séance le 16 Décembre 1937, le film autrichien La Symphonie inachevée est proposé aux spectateurs anceniens. Ce film, aujourd’hui largement oublié des mémoires, avait connu à l’époque un succès mondial : il avait été réalisé par le metteur en scène autrichien WILHELM FORST en 1933 et mettait en images la biographie romancée de Schubert avec une des grandes vedettes internationales du moment l’actrice et aussi chanteuse Martha Eggerth. A ce film étranger succèdera toute une série de films français dont les acteurs principaux étaient Madeleine Robinson, Jean Gabin, Albert Préjeant, Jean-Pierre Aumont, Annabella. Jean Murat, Noël Noël, Fernandel... pour ne citer que les têtes d’affiche.

Le nouveau cinéma occupait la salle du théâtre du Cercle Catholique d’Ancenis, situé rue Tartifume, actuellement siège de l’U.S.A. Le cinéma était l’une des activités de l’Association Populaire “Patronage Saint-Joseph” et dépendait directement de la cure ; ainsi peut-on lire sur le programme publicitaire distribué à l’occasion de la projection du film Ben-Huren 1938: "Nous offrons Ben-Hur au public dans le double but de procurer un sain plaisir et d’accomplir une bonne oeuvre puisque le profit de ces séances sera attribué à la restauration de notre chère église."

ANCENIS-CINÉMA, comme beaucoup de cinémas à cette époque, possède un balcon, un bar ; on peut y réserver des "fauteuils “, des “premières” ou bien encore des “secondes “. Au total, le cinéma offre environ 250 places auxquelles s’ajoutent une cinquantaine de strapontins. Dans les premières années de fonctionnement, le rythme habituel des séances hebdomadaires est de trois : une le jeudi soir et deux le dimanche (15 h 30 et 20 H 30). C’est aussi l’époque où, à la même séance, deux films de long métrage pouvaient être au programme, ainsi un dépliant publicitaire annonçait

“Cette semaine jeudi et dimanche, ANCENIS-CINEMA présente deux films Les hommes traqués avec L. Barrymore et J. Arthur et Souvent femme varie avec J. Crawford et C. Gable.”

La guerre de 39-45 allait largement perturber la vie des cinémas à Ancenis. Ainsi l’activité d’ANCENIS-CINEMA stoppa brutalement le jour de la déclaration de la guerre ; le film à l’affiche cette semaine-là devait être projeté le jeudi 31 août et le dimanche 3 septembre 1939. Une jeune spectatrice, aujourd’hui Madame BLONDEL, notait minutieusement sur un carnet les films programmés dans ce cinéma ; elle indiqua alors :

“Ce film n ‘a été joué que le jeudi, la guerre étant déclarée entre la France et l’Angleterre contre l’Allemagne le 3 septembre à 17 heures “.

Ironie de la situation : le film en question avait pour titre Double crime sur la Ligne Maginot (film français de Félix Gaudera avec Victor Francen), il sera reprogrammé quelques mois plus tard. Bien évidemment chaque séance avait à son programme les actualités appelées jusqu’à l’arrivée des Allemands “les actualités mondiales et les vues du front”. Cette arrivée des Allemands en Juin 40 à Ancenis conduisit à la fermeture du cinéma et les séances ne reprirent que le 5 avril 1941. Les heures de séances sont avancées à 20 h 15 puis à 20 h, couvre-feu oblige. ANCENIS-CINÉMA est parfois réquisitionné par les Allemands; des séances ouvertes aux spectateurs français succèdent à celles réservées aux militaires allemands : certains habitants du quartier se remémorent encore le bruit des hottes des soldats d’occupation (venant assister à ces séances) sur les pavés sonores de la rue Tartifume.
Notre jeune spectatrice indiqua sur son précieux carnet à la date du 21 mai 1944. alors qu’Ancenis est encore occupé par les Allemands
Par la suite du manque de courant électrique, les cinémas
sont fermés à partir du 21 mai 44 jusqu’à nouvel ordre
ANCENIS-CINEMA réouvrira le 27 novembre suivant. dans un Ancenis libéré à l’affiche de cette reprise Les cinq sous de Lavarède.


LE CINÉMA D’APRÈS-GUERRE

Concurrencé principalement par la radio (la T.S.F. comme on disait alors) et quelques manifestations sportives, le cinéma connaît une période faste : il est alors le spectacle familial par excellence. Ce sont dans ces années d’après guerre que sont établis les records de fréquentation dans les salles françaises ; l’année 1947 en est le sommet avec une fréquentation de 425 millions de spectateurs. (A titre de comparaison. le chiffre pour 1989 est de 120 millions).
A Ancenis, le même engouement pour le cinéma est constaté. Ainsi pour le seul ANCENIS-CINEMA, l’année 1948, année pour laquelle nous avons des données chiffrées, atteindra 31 834 spectateurs. Point fort de cette année-là, la projection du film français de Maurice Cloche : Monsieur Vincent avec Pierre Fresnay qui reçut pour ce rôle le prix d’interprétation au Festival de Venise en 1947. Madame Urfalino, dont le mari a été pendant 38 ans projectionniste à Ancenis. principalement à ANCENIS-CINEMA puis à I’EDEN. se rappelle encore les séances de ce film qui avait rempli entièrement la salle jusqu’au dernier strapontin. Au cours de cette même année trois autres films connurent également le succès auprès du public ancenien et dépassèrent les mille spectateurs : Destin réalisé par R. Pottier (film français avec, entre autres, Tino Rossi), La Porteuse de pain (mélodrame qui a connu de nombreuses versions cinématographiques), et enfin le seul film qui est resté dans l’histoire du cinéma : Antoine et Antoinette, du metteur en scène français Jacques Becker.

L’EDEN, toujours installé Impasse Emilien Maillard, connaît de nouveaux propriétaires. Le ler juin 1946, la S.A.R.L. Société Ancenienne de Cinéma est créée, les gérants en sont Monsieur et Madame OlIard, ils présideront aux destinées de I’EDEN jusqu’en 1970. Dans ces années d’après guerre, et contrairement à notre époque, les Anceniens devaient patienter souvent deux ans avant de voir arriver sur les écrans locaux les films déjà sortis dans les grandes villes. Les films américains produits pendant la guerre, et bien évidemment ne pouvant alors être projetés en France, débarquent sur les écrans : à Ancenis, le western de W. WYLER, Le Cavalier du désert avec Garry Cooper, réalisé en 1940. ne sera programmé qu’en 1948.
Au cours de ces années fastes pour le cinéma, des communes voisines possèdent leur salle. En feuilletant la presse de l’époque, nous pouvons relever des séances de cinéma régulières à OUDON, VARADES, BELLIGNE... C’est dire la place importante qu’occupait alors le cinéma dans les distractions des années d’après-guerre.



Tickets d’entrée à Ancenis - Cinéma, 1962
 

LA DECENNIE DE TOUS LES CHANGEMENTS DANS LE CINÉMA A ANCENIS

En 1962, 1’EDEN quitte l’Impasse Emilien Maillard pour emménager dans des locaux neufs rue Saint-Fiacre une page de l’histoire de I’EDEN est tournée : « 1e petit Eden », comme l’appelleront par la suite certaines personnes, a vécu. La nouvelle salle peut accueillir 407 spectateurs ; elle est de plein-pied et les fauteuils sont répartis de chaque côté d’une allée centrale.
Dans les mêmes années, la salle paroissiale d’ANCENIS CINÉMA va prendre ses distances avec la cure. Monsieur Angladon, responsable de ce cinéma depuis quelques années, crée en 1965 l’Association Louis Lumière, celle-ci assurant désormais l’activité de la salle indépendamment de la cure, un loyer étant versé au Diocèse toujours propriétaire des locaux rue Tartifume. Dans la fin des années 60, des contacts s’établissent entre les responsables des deux cinémas anceniens. Ces discussions aboutissent à la reprise de la S.A.R.L. Ancenienne de Cinéma EDEN par l’Association Louis Lumière qui dispose dès lors de 98 % des parts de la S.A.R.L. ; Monsieur Angladon est nommé gérant, cette responsabilité sera reprise par Monsieur Richard en 1980. Durant plusieurs années, les deux cinémas établissent leur programmation en commun. Les dépliants publicitaires annonçant les films à l’affiche des deux cinémas informent le public de la cote morale des films établie par l’Office Catholique du Cinéma. Par exemple, pour Le Pistonné de Claude Berri en 1971, le programme indique “scènes d’intimité, dialogues crus, pour adultes”; une cote artistique et culturelle complète l’avertissement du spectateur, le film en question a obtenu la cote “très bien”.

Au début des années 70, la salle d’ANCENIS-CINÉMA avait quelque peu vieilli et ne correspondait plus au confort demandé par le public des travaux s’avéraient nécessaires. Pourtant, Ouest-France, dans son édition du 30 avril 1974 passait encore l’information suivante “Comme tous les ans, à pareille époque, ANCENIS-CINÉMA, rue Tartifume, va baisser rideau : cette salle fera relâche jusqu au 1er octobre.
La relâche sera définitive : le montant trop élevé des travaux à engager conduisit à la fermeture du cinéma, d’autant plus qu’Ancenis pouvait désormais difficilement faire vivre deux cinémas. Les trois dernières séances (celles du samedi et les deux du dimanche de début mai 1974) ayant au programme le film de Claude Zidi “LES FOUS DU STADE “avec les Charlots avaient accueilli ses derniers spectateurs au nombre de 180.
La fermeture d’ANCENIS-CINEMA est donc la fin d’un paysage cinématographique avec deux salles symbolisant ainsi le recul du cinéma dans les loisirs des Français : Ancenis n’échappait pas à l’entrée de la télévision dans les foyers.


L’EDEN AUJOURD’HUI 70 ANS APRÈS SA CRÉATION

L’EDEN se retrouve aujourd’hui, comme à l’origine du cinéma à Ancenis en 1920, l’unique salle de cinéma. Mais beaucoup de choses séparent la salle actuelle de celle de Monsieur Cuisnier. Au fil des ans et des rénovations réalisées, le confort offert par I’EDEN est tout à fait comparable à celui des salles nantaises. La diminution importante du nombre de places, l’installation de fauteuils confortables, la mise en service d’un son "dolby” ont largement contribué à améliorer les conditions de vision. L’agrandissement du hall d’entrée et la construction de la nouvelle façade donnent également une fière allure au cinéma.
L’activité du cinéma repose principalement sur le bénévolat, seuls les opérateurs étant rémunérés (1) une trentaine de bénévoles s’occupent de la tenue de la caisse et des entrées ; quatre ouvreuses complètent cette équipe. Le cinéma propose deux films différents au cours des sept séances de chaque semaine, le rythme hebdomadaire des séances étant réduit à 4 avec un seul film à l’affiche pendant les deux mois d’été. Chaque année en moyenne, 90 films sont projetés au cours de 350 séances.

Dans les vingt dernières années, des initiatives d’animation cinématographique ont vu le jour première formule du ciné-club avec les séances « Art et Essai » en 1971, « soirée cinéma »“ d’ANCENIS ACCUEIL en 1977, création de l’actuel Ciné-Club Ancenien en 1979 et expérience du Ciné-Club des Retraités en 1982. La Soredic, Société Rennaise de Programmation de films, y a tenu un de ses congrès. Cela fut l’occasion pour le cinéma d’Ancenis d’accueillir les metteurs en scène Claude Chabrol, Jean-Luc Besson, Roger Coggio ainsi que les acteurs Christophe Lambert et Fanny Cottençon. Les films arrivent désormais sur les écrans anceniens environ deux mois après leur sortie nationale. Soulignons que plusieurs fois dans l’année, grâce à l’aide apportée aux cinémas de zone rurale, des films sortent le même jour à Ancenis et à Paris.

La fréquentation du cinéma EDEN a progressé jusqu’en 1982, atteignant le chiffre record de 47 628 spectateurs au cours de cette dernière année. Dans les dix dernières années, le choix des spectateurs anceniens a placé plusieurs films au-dessus de la barre des 2 000 spectateurs:
Le Livre de la Jungle (2400 entrées en 1980);
Les 101 Dalmatiens (2138 entrées en 1981);
Rox et Rouky (2 954 entrées en 1982);
Les Misérables ( 2 120 entrées en 1983);
Jean de Florette (2539 entrées en 1986);
L’Ours (3415 entrées en 1988).

En 1989, 26 500 spectateurs ont fréquenté 1’EDEN, deux films ayant tout particulièrement retenu l’attention des Anceniens
Vent de Galerne et Ray Man.
Ce chiffre, comme ceux des années précédentes, est en retrait par rapport à celui de l’année record de 1982 mais demeure supérieur à celui de l’année 1975, année où l’EDEN est resté le seul cinéma sur la commune (21 500 spectateurs en 1975).

L’EDEN avec ses qualités de confort et de vision cinématographique offre ce que la télévision et le magnétoscope ne peuvent donner : grand écran, ampleur du son, ambiance d’une salle... bref, la MAGIE du CINEMA. L’EDEN doit ainsi demeurer l’un des atouts culturels d’ANCENIS.

Ce tour d’horizon sur le cinéma à Ancenis ne serait pas complet si nous n’évoquions pas deux personnalités originaires d’Ancenis la créatrice de costumes Jacqueline Moreau et le metteur en scène Bernard Toublanc-Michel.

Jacqueline Moreau, née à Ancenis. est considérée comme une des toutes premières créatrices de costumes, elle a d’ailleurs reçu le César du meilleur costume en 1988 pour le film La Passion Béatrice. Elle a été nominée à nouveau en 1990 pour les costumes de La vie et rien d’autre. Des metteurs en scènes, tant français qu’étrangers. font appel à ses compétences. sa riche filmographie en est l’illustration. Le Ciné-Club Ancenien lui a rendu hommage en lui consacrant un cycle de trois films en mars et avril 1990.

Bernard Toublanc-Michel, lui aussi originaire d’Ancenis, est né le 6 décembre 1927. D’abord assistant metteur en scène auprès de Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Jacques Demy..., il réalise son premier film en 1963 et fait tourner pour la première fois à l’écran dans le film Le Petit Bougnat une jeune débutante... Isabelle Adjani. La mémoire des Anceniens a été tout particulièrement marquée, en 1967, par le tournage à Ancenis de son troisième film Adolphe (2), avec Jean-Claude Dauphin, Ulla Jacobson et Philippe Noiret. Aujourd’hui, B. Toublanc-Michel met en scène des films pour la télévision.

Tournage du film Adolphe (1967)

Cet article retraçant 80 ans de cinéma à Ancenis ne se veut pas exhaustif sur le sujet et les deux auteurs seraient reconnaissants aux personnes possédant informations et documents complémentaires de prendre contact avec eux.
Les deux auteurs remercient les personnes, qui, au cours d’entretiens ou de prêts de documents, ont aidé à la réalisation de cet article.

NOTES
(1) Parmi les trois opérateurs : Jean-Pierre BIGEARD a déjà à son actif plus de 25 ans passés au service du cinéma EDEN.
(2) Ce film a été également tourné au Château de la Bourgonnière à Bouzillé.
Signalons que cette même commune a connu un autre tournage de film CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS, en 1936, au Château de la MAUVOISINIERE.

SOURCES
Anciens journaux: - JOURNAL D’ANCENIS
- AVENIR ANCENIEN
(Précisons que la collection du JOURNAL D’ANCENIS des Archives Départementales de Loire-Atlantique ne débute qu’en 1921 la collection de Madame ROUAUD possède de nombreux numéros antérieurs à cette date).
- Articles de presse (voir photocopies à I’ARRA).
- Archives ANCENIS CINÉMA.
- Cahier personnel et dépliants publicitaires de I’EDEN et d’ANCENIS CINÉMA appartenant à Madame BLONDEL.
- SIM, “Elle est chouette ma gueule “, Flammarion, 1983.
- AUMONT Yves et DAGUIN Alain-Pierre, “Les lumières de la ville” (Nantes et le cinéma), Editions de l’Atalante, 1989.
- BERTHOMÉ Jean-Pierre, “Les racines du rêve” Edition de l’Atalante, 1983. Articles des revues suivantes: - ARMEN (No 25, Octobre 1989)
- POSITIF, revue de cinéma, (Juillet 1988)

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